Description
L'œuvre est signée et datée en bas à gauche. Dans sa lettre à Domenico Tumiati (Maloja, 29.5.1898), Segantini le qualifie d'"effet de lanterne" ; en 1899, Primo Levi le répertorie sous le titre "Les Mères (intérieur d'écurie)" ; en 1902, Servaes le catalogue sous le numéro 84. Le tableau a appartenu à Grubicy (Milan), qui l'a prêté pendant longtemps au musée Segantini de Saint-Moritz ; il a ensuite appartenu à Benzoni, également à Milan.
À cette époque, Segantini travaillait à une série de compositions sur le thème des intérieurs, mais il cherchait ici une solution plus articulée et chromatiquement développée : il devait créer des effets de lumière artificielle avec sa force coloristique renouvelée, ce qu'il fit. À la Triennale de Brera en 1891, où est également exposée la "Maternité" de Previati - une interprétation symbolique quelque peu mystique, éthérée et onirique -, "Les deux mères" remporte un succès considérable où la nouvelle technique apparaît, en raison de l'analogie plutôt évidente, comme une représentation du divisionnisme naturaliste contre un symbolisme idéalisant. L'interprétation du symbolisme, conçue comme une "maternité universelle", n'est en fait apparue chez Segantini que plus tard.
Un journaliste de la "Cronaca dell'Esposizione di Belle Arti - Esposizione Triennale di Brera del 1891" du 28.5.1891 interprète le tableau dans une tonalité nettement lumineuse : "Les deux mères sont une vache avec son veau tout près sur la paille, et une paysanne tenant son patin dans ses bras, assoupie à la lumière d'une lampe rustique suspendue au plafond. L'observation du phénomène lumineux et l'évidence sont admirables dans ce tableau [...]" ;
Grubicy l'interprète d'un point de vue naturaliste aussi bien que luministe : "Il est curieux que dans les nombreuses discussions et critiques publiées à la Triennale, personne n'ait approfondi l'essence caractéristique de cette importante œuvre de Segantini, même si tous, sans exception, ont noté la force puissante du jeune maître, et certains, comme Sormani, l'ont même acclamée pour le sentiment de maternité, je dirais animal, qu'elle contient. À mon avis, le moteur de cette œuvre a été l'émotion provoquée par un effet intéressant de lumière artificielle et le caprice de vouloir surmonter l'énorme difficulté que présente son interprétation picturale. [...] L'intérêt et la difficulté de la scène consistaient à exprimer, dans son caractère propre, cet environnement à la luminosité faible, mais suffisamment diffuse pour circuler partout, de manière à supprimer les noirs - noir signifie absence de lumière - et permettre à l'œil de déceler la nature de tous les objets. Et Segantini, dans sa peinture, a su surmonter victorieusement les difficultés, en utilisant des couleurs divisées au lieu du mélange habituel sur la palette".
En 1945, Barbantini en tire quelques considérations, comme le fait qu'autour de la tête de la femme dans une attitude pathétique "à la Botticelli", il y a "un air de musée".
Il existe une copie de l'œuvre au musée Segantini de Saint-Moritz, réalisée par Gottardo, le fils de Segantini.